8 Août 2008
Tout commence mardi midi chez mes beaux parents à Rognac (13). Je viens de piquer une tête dans la piscine et entame le repas de midi avec ma chère et tendre. J’attrape une bouteille de rosé, histoire de se laisser aller après le repas et de faire une bonne sieste au bord de l’eau. C’est ce moment précis ou Seb (de Vinon s/ Verdon) décide de m’appeler et il me dit : « Louis ! On a un créneau météo pour le Pelvoux demain matin, c’est à prendre ou à laisser… ». Le téléphone dans la main droite, le rosé encore bouché dans la main gauche, j’entame une réflexion poussée pendant quelques secondes : rosé-piscine ou bavante-parapente… Bon, aller, des créneaux pour le rosé j’en aurais pleins, surtout avec les sacs à vin qui trainent au club… C’est à ce moment précis que tout s’enchaine. Le temps de reposer le rosé au frigo, de rentrer à la maison pour faire mon sac, de chercher Seb sur Aix, de faire son sac à Vinon, d’acheter des barres céréales et un bout de saucisson, d’acheter un brin de corde de 30 m plus alléchant que nos brins de rappel de 50 m et de faire la route, nous voici arrivés à Aillefroide à 20h00, heure classique pour se coucher au refuge (1200 m plus haut) en vue de faire la course dans de bonnes conditions. Seb sort son réchaud et fait une plâtrée de pâtes façon « pas bonnes » mais qui a le mérite de remplir son rôle de plâtrage de ventre. 20h55 nous voici en route pour le refuge du Pelvoux. Il fait encore jour pour une heure et nous croisons trois cordées d’alpinistes épuisés en train de descendre. 22h00 la nuit est là, nous ne croisons plus que deux grimpeurs de blocs acharnés qui visiblement ont grimpés jusqu’ a ne plus voire une prise. 23h00, c’est la nuit noire et nous croisons un chamois, enfin on en a vu que les yeux qui reflétaient la lumière de nos frontales. Il fait étonnamment chaud pendant cette montée. Il est fréquent qu’il gèle à cette altitude or nous montons en T-shirt et pour ma part je sue comme si je montais au Pic de Mouches à 11h00 sous le soleil… Nous arrivons à minuit devant le refuge et organisons notre bivouac dans les voiles de parapentes. Je m’allonge et m’en grille une petite (et oui j’ai vraiment tous les vices) et là en voyant ce ciel incroyablement étoilé, la voie lactée comme si on y était, je me dis qu’on est mieux là qu’au bord de la piscine. Chacun se cale comme il peut entre le caillou qui entre dans la cuisse et celui qui écrase l’épaule et on s’endort pour trois petites heures. Finalement j’aurais très bien dormis. A 3h20 les premiers alpinistes du refuge partent pour le Pelvoux et nous réveillent. On s’enfile 5 figolus, on plie les voiles et c’est parti pour cette montée interminable puisque le sommet est encore 1200 m plus haut. C’est la troisième fois que je monte au Pelvoux. Elles sont toujours aussi belles ces lignes de fuite sous les pieds dans le couloir Coolidge qui mène au sommet. Par contre je n’étais pas entrainé, la nuit courte et le sac aidant, j’admets avoir soufflé un peu dans la montée alors que dans ce genre de courses j’avais plutôt l’habitude d’avoir de la marge. Il faut vraiment que j’arrête le rosé, les cigarettes et que je refasse plus de montagne… Enfin, nous voici sortis du couloir Coolidge à 7h15 aux environs de 3850 m. Seb arrive sur le replat en contrebas du sommet avant moi et propose de décoller de suite car les conditions sont parfaites. La suite nous montrera que nous avions eu raison car une heure après le ciel était bâché. (Raison d’un point de vue parapentèsque, peut-être pas d’un point de vue alpinistique puisque nous avons shuntés le sommet). Bref, le vent est parfait, 5 à 10 km Ouest / Nord-Ouest, on se prépare vite et Seb décolle en premier en lâchant un cri de bonheur. Il s’écarte du relief et engage un virage à gauche direction Vallouise 2700 m plus bas. Je revois encore le regard des alpinistes qui nous observaient… dans leurs yeux on pouvait lire un mélange entre de l’admiration pour la beauté de la chose et une haine farouche et jalouse, car qui connait la descente du Pelvoux serait prêt à tuer un parapentiste pour lui braquer sa voile et éviter cette descente aussi belle que longue et interminable. Je décolle à mon tour : petit pré-gonflage, on se retourne, trois pas et en une fraction de secondes me voici au dessus du couloir que nous venons de monter, un pur bonheur, je ne peux pas m’empêcher de crier de joie à mon tour. Il fait beau, l’air est d’un calme absolu et la vue est absolument incroyable. Ca fait du bien de lâcher une larme de bonheur, c’est vraiment trop beau. Seb fait quelques tours 2000 m au dessus du village d’Aillefroide pour m’attendre et nous faisons la suite du vol côte à côte. Seb en profite pour faire quelques prises de vues, les plus belles que j’ai depuis que je fais du parapente, merci Seb. On se pose à Vallouise 9 km plus loin et 2700 m plus bas vers 8h00. L’atterrissage par vent nul avec les crampons et les jambes froides met fin à ce pur moment de magie. C’est un des plus beaux vols de ma vie. Le temps de plier et le ciel se bâche, nous avions aperçu cette petite perturbation depuis le sommet mais pour ma part je n’aurais pas cru qu’elle arrive aussi vite. Voila comment en 11h00 on peut faire le Pelvoux et se retrouver en bas. Classiquement, si on veut le faire « cool » et sans parapente il faut plutôt 25 ou 26h (nuit au refuge comprise), c’est pour cette raison que l’article s’appelle « Vol depuis le Pelvoux façon hold-up ».
Louis